Nahasdzáán
Après sa création en 2019 à l’Opéra de Rouen sous forme d’un oratorio dansé, avec la présence de deux danseuses et d’animaux chorégraphiés par Luc Petton, cette partition prend un nouvel envol !
Au regard des questions écologiques de plus en plus brûlantes, et a fortiori depuis la crise générée par le Covid-19, cet opéra dont le livret est écrit par la poétesse navajo Laura Tohe résonne tout particulièrement dans l’époque que nous traversons. Nahasdzáán qui signifie la Terre-mère, celle qui nous nourrit et que nous devons préserver, a peut-être un message à nous révéler.
Les Indiens Navajo ont élaboré une vision du monde fondée sur Hózhó, un terme signifiant tout à la fois beauté, harmonie avec l’environnement et le cosmos, équilibre des liens sociaux et familiaux. La société traditionnelle navajo déploie toute son énergie à préserver Hózhó dont les garants sont les hommes et les femmes médecines qui sont appelés à mener d’impressionnantes cérémonies de guérison nommées Voies.
Cet opéra se propose d’être une libre recréation de cette Voie qui fait de la santé associée à la beauté la garante de l’harmonie du monde et des équilibres entre humain et non- humain. Création singulière évoquant les quatre mondes successifs des Navajos – mondes noir, bleu, jaune et blanc/brillant – liés aux quatre aspects fondamentaux de l’être humain – mental, corps, esprit et social –, l’œuvre interroge les déséquilibres sociaux et environnementaux que l’homme contemporain inflige à Nahasdzáán, cette Terre nourricière en quête de guérison.
Les chanteurs y incarnent différents personnages : des êtres sacrés ayant une apparence humaine tels que Premier Homme et Première Femme, ou une présence animale comme Coyote ou Femme-Araignée. Ils dialoguent constamment avec les musiciens qui évoquent chaque monde mythique par une atmosphère singulière, réinventant des tournures et des pulsations issues de chants navajos.
La mise en scène de cette fresque poétique et plastique, imaginée par Sylvain Wavrant, matérialise quant à elle la topographie du territoire navajo par des écrans, des œuvres textiles et des volumes sculpturaux représentant les quatre montagnes sacrées. Elle intègre une création de vidéomapping – englobant parfois le public – qui reprend elle aussi l’iconographie et le symbolisme de la culture navajo.
« Ce que nous faisons à la terre, nous le faisons à nous-mêmes ; en nous soignant nous-mêmes, nous soignons la terre », psalmodient les Navajos lors de l’ultime cérémonie de guérison. Quant à nous, quels nouveaux chants allons-nous créer pour changer de direction ?